14 titres d'une musique d'un monde lunaire, d'un jazz ébouriffé par les hautes sphères: une lecture inédite des chacareras, milongas, zambas et autres musiques de la Cordillère des Andes, inventée par trois créateurs de haut vol, et leurs invités.
L’«Altiplano» est littéralement une « plaine d'altitude » située dans la Cordillère des Andes, entre l'Argentine, la Bolivie, le Pérou et le Chili. Ce terme désigne la plus haute région habitée du monde après le plateau du Tibet. Le projet éponyme, né à l’occasion d’une tournée de Magic Malik à travers l’Amérique du sud, est devenu un périple de deux oiseaux migrateurs : Magic Malik, un peu lunaire et cérébral et son ami Minino Garay, l’argentin de Cordoba, le sanguin. Ces créateurs sont devenus passeurs : la rencontre est devenue hommage. Hommage à Jaime Torres, à l’ami qui porte un peuple depuis plus de 60 ans, dans les petites notes pudiques, dans le dessin doux ou furieux, frénétique et délicat de son charango (instrument à cordes né postérieurement à l’arrivée des Espagnols). Du grand Maître bolivien Mauro Nuñez, il reçut ses premiers cours et son premier charango, et de son père, Eduardo Torres, l’habile ébéniste, les suivants. Il apprit de l’un, l’essence de la musique andine et de l’autre, des techniques à la fois élémentaires et savantes qui ont forgé sa signature incontournable. Sa maîtrise de l’instrument a fait passer le charango, du statut d’accompagnement des flûtes andines, à celui d’instrument soliste.
Ces danses, vieilles comme le monde, ces chacareras, milongas et autres zambas - qu’avaient collecté, à dos de mules en 1934, Alfred Métraux, et le barde géant, Atahualpa Yupanqui - sont ici autant de suspension, d’écoute de traces, de sons quasi subliminaux, de musiques végétales, de murmures de montagnes escarpées des mémoires. Dans ces exercices de voltige « hauts » et « planants», il y a une pudeur de l’histoire, et sous les silences, la terre des paysans andins, une pulsation nègre émigrée, niée.
Direction artistique : Minino Garay et Magic Malik
Distribution :
Magic Malik : flûte
Minino Garay : cajon, bombo, percussions
Jaime Torres : charango
Gustavo Beytelmann : piano
Sarah Murcia : basse
Jozef Dumoulin ; piano, piano fender
Denis Guivarch' : sax alto
Juan Martin Medina : bombo, flûte, voix
Vanesa Garcia : percussions
Federico Siciliano : piano
Maxime Zampieri : batterie
Collection ORCHESTRE IMAGINAIRE
« On y entre comme dans un musée qui présenterait des objets vivants. Car la musique y vit, s'y reproduit. Musiques au pluriel, jouées avec une hauteur digne des hauts plateaux andins qui les inspirent. Mélange de tannage de peaux indiennes, noires et hispaniques, livrées brutes aux mains d'improvisateurs experts. Un projet que Magic Malik a voulu enraciner dans des dimensions tant sociales que musicales. S'inscrivent dès lors les sonorités quelque peu inédites de l'explosif bombo (tambour du centre de l'Argentine) et de la flûte, du charango de Jaime Torres, légende vivante des plateaux argentins, mais aussi du tango savant de Gustavo Beytelmann. Les lignes des milongas, chacareras et autres zambas se trouvent déployées, secouées et revivifiées au contact du jazz et du blues mêlés. Danse et transe surgissent sous les coups de baguettes et de gueule de Minino l'incadrable. On ne sort pas indemne de ces épisodes mélodiques frappés du feeling ou du duende. La dimension continentale, l'aérien des grands vents qui balaient les sommets andins, le poids de l'histoire inscrite en couleurs fortes. Musique hors limite. Et tellement belle. »
Robert Latxague
CD - AC 125 - 2008
Harmonia Mundi